La remédiation
« Même le plus compétent commet des erreurs »
Dans la nouvelle vision didactique, l’erreur est considérée
comme un signe de besoin. Elle constitue aussi l’une des composantes
fondamentales du processus d’apprentissage et nécessite une action de
remédiation.
La remédiation est l’étape finale, et sans doute la plus
importante, du processus
évaluation-diagnostic-remédiation.
L’enseignant est dès lors appelé à lui accorder le plus
grand intérêt.
1. Qu’est-ce que « remédier » ?
Remédier, c’est construire, à la lumière des lacunes
identifiées et dont on a dégagé les causes et les sources, un dispositif
d’intervention qui permet de combler ces lacunes.
« Il ne suffit pas à un médecin d’établir le diagnostic de
la maladie de son patient, il doit surtout lui prescrire le remède approprié.»
2. Objectifs de la remédiation
◘
Corriger les faiblesses identifiées chez l’élève ;
◘
Viser la mise à niveau constante, individuelle et/ou collective permettant au
groupe-classe de poursuivre sans difficulté majeure les
apprentissages ultérieurs.
3. Les paramètres à prendre en compte pour organiser une
remédiation
Il est important d’être attentif à la diversité des facteurs
(causes) pour ne pas se tromper de remédiation et pour déterminer qui est
concerné par la remédiation.
3.1. Les différents niveaux de la remédiation
Cette étape est avant tout dictée par le diagnostic.
Les pistes pour la remédiation sont directement issues de
l’analyse des sources et des causes d’erreurs.
Ces remédiations portent sur des niveaux différents :
◘ le
niveau de l’élève ;
◘ le
niveau de l’enseignant ;
◘ le
niveau du système.
Parfois, il faut jouer sur différents registres : à la fois
sur le niveau de l’élève (remédiations individuelles ou par groupes de niveau
de difficulté) et sur le niveau de l’enseignant (reprise de certains contenus,
développement de certaines activités de remédiation, …)
Cet exemple illustre les niveaux de la remédiation.
Description de
l’erreur Sources
possibles de l’erreur Causes possibles
liées au contexte Remédiations
possibles
C2
Incohérence
d’un texte
Difficulté d’organiser des idées, ou de gérer les
informations du texte
Insuffisance des apprentissages liés à l’articulation des
différentes idées Apprendre à
structurer des idées, à les enchaîner
Remédiation axée sur l’enseignant
Manque d’entraînement à l’écrit Développer davantage les activités d’intégration
relatives à la production d’un texte
Remédiation axée sur l’enseignant
Pauvreté lexicale (l’élève ne dispose pas du lexique qui lui
permet d’exprimer certaines idées) Insuffisance
d’occasions d’enrichir le vocabulaire Intensifier
les occasions d’enrichir le vocabulaire, encourager à lire davantage, …
Remédiation axée sur l’élève
Tendance à replacer telles quelles certaines phrases
apprises Apprentissages orientés vers la
reproduction, et non vers la production par l’élève Faire produire davantage, et outiller l’élève pour produire
davantage
Remédiation axée sur l’enseignant
Manque de confiance en lui chez l’élève Valoriser la production personnelle
de l’élève
Remédiation axée sur l’enseignant
Absence de prise en compte du critère de communicabilité du
texte (l’élève écrit pour lui-même) Caractère
significatif des activités de production écrite trop peu prononcé Développer le caractère significatif des
activités de production écrite
Remédiation axée sur l’enseignant
Pour orienter convenablement la remédiation, il faut prendre
en compte la fréquence et l’importance de l’erreur.
3.2. La fréquence et l’importance de l’erreur
Il n’est pas nécessaire d’agir tout le temps, ni trop vite
en cas de difficulté de l’élève ; il ne s’agira de penser remédiation que quand
cette erreur s’installe dans le temps : tout apprentissage demande du temps et
l’erreur en fait partie intégrante.
Quelles remédiations et pour quels types et sources
d’erreurs ?
3.3. Types de remédiations appropriées en fonction du type
d’erreur et de sa source
Erreur ponctuelle
occasionnelle à laquelle
(due à des facteurs de contexte) remédier immédiatement
pas de remédiation remédiation
dans l’immédiat rapide et ciblée
Erreur récurrente
remontant loin récente
sans aux risques de à laquelle
conséquence conséquences s’estomper lors des remédier
grave importantes apprentissages immédiatement
à venir
remédiation remédiation pas de remédiation remédiation
nécessaire en profondeur dans l’immédiat urgente et ciblée
à terme
4. Les différentes stratégies de remédiation
Selon De Ketele et Paquay (1991), on peut en identifier
quatre grandes catégories, allant des remédiations les plus légères aux plus
profondes.
1. Les remédiations par feed-back ;
2. Les remédiations par répétition ou par travaux
complémentaires ;
3. Les remédiations par adoption de nouvelles stratégies
d’apprentissage ;
4. Les actions sur des facteurs plus fondamentaux.
4.1. Remédiations par feed-back
Un feed-back, ou rétroaction, est une information « en
retour » à l’élève.
Porter sur les productions des élèves un regard global et
analytique (en ayant recours à des critères de correction), permet de donner
aux élèves un feed-back précis, ciblé, détaillé, pour qu’ils puissent
déterminer quelles sont les dimensions qu’ils doivent améliorer.
4.1.1. Remédiation par le simple fait de communiquer à
l’élève la correction (hétérocorrection).
Exemple : Le professeur peut demander à l’élève de remplacer
« en couleur » par « en colère » et « l’un frappe l’autre et l’autre frappe
l’un » par « ils se disputent ».
4.1.2. Remédiation par le simple fait de recourir à une
autocorrection, soit que l’on donne à l’élève le corrigé, soit qu’on lui donne
des outils pour s’autocorriger : des critères, une démarche, un référent
(dictionnaire, atlas, encyclopédie, manuel, …), la réponse (il doit alors
retrouver la démarche), etc.
Exemple : Le professeur peut demander à l’élève d’utiliser
le dictionnaire pour corriger « obital » ou une fiche de conjugaison pour
corriger « ils se battes ».
4.1.3. Remédiation par le recours à la confrontation entre
une autocorrection et une hétérocorrection (celle de l’enseignant ou celle
d’autres élèves) pour bénéficier des avantages du conflit sociocognitif
(coévaluation).
Exemple : Le professeur peut proposer à l’élève « le canevas
d’une lettre administrative » pour l’amener à donner une meilleure organisation
typographique à son texte ou « des ensembles lexicaux » pour l’améliorer et
l’enrichir.
4.2. Remédiations par une répétition ou par des travaux
complémentaires
4.2.1. Remédiation par révision de la partie concernée.
Exemple : Réviser l’emploi « des adjectifs possessifs à la
1ère personne du singulier » pour remédier aux erreurs «deux camarades des moi
» et «la maison de moi ».
4.2.2. Remédiation par du travail complémentaire (autres
exercices) sur la partie concernée.
Exemple : Proposer des exercices d’extension du fait de
langue : les autres personnes de la conjugaison, voire même varier la forme de
l’adjectif possessif selon « le possesseur » et « l’(les) objet(s) possédé(s)
».
4.2.3. Remédiation par révision des prérequis non maîtrisés
(reprendre un apprentissage antérieur ainsi que les parties de l’apprentissage
qui n’ont pu être bénéfiques vu la non-maîtrise initiale de ces prérequis).
Exemple : Reprise de l’étude des verbes pronominaux
(à
sens réciproque)
→
se battre, se disputer, se parler, se frapper, se quereller, s’écrire …
4.2.4. Remédiation par un travail complémentaire visant à
réapprendre ou à consolider des prérequis concernant la discipline.
Exemples : Distinction → lettre
personnelle/administrative (formules d’attaque, de politesse …) ;
Ponctuation ; Temps de la narration …
4.3. Remédiations par adoption de nouvelles stratégies
d’apprentissage
Les remédiations peuvent concerner les différents types
d’activités d’apprentissage :
► Des
activités d’exploration → lorsqu’il faut reprendre certains apprentissages
fondamentaux ;
► Des
activités d’apprentissage systématique → lorsqu’il s’agit d’entraîner
l’élève à utiliser une règle, un procédé, une formule, une technique …
► Des
activités d’intégration → lorsque la difficulté de l’élève est de mobiliser des
acquis en situation.
4.4. Actions sur des facteurs plus fondamentaux
4.4.1. Décisions s’ajustement à prendre en conseil de classe
à propos de facteurs scolaires qui interfèrent avec les apprentissages. Il
s’agit surtout :
► des
capacités cognitives de base nécessitant des réapprentissages fondamentaux et
des décisions de réorientation.
Exemple : Elèves accusant un retard en matière de lecture et
d’écriture.
► des
attitudes visant l’amélioration du climat éducationnel (absence de moyens
didactiques, formation des enseignants …) et du climat institutionnel (effectif
des classes, conseils d’enseignement, de coordination, de classes …)
4.4.2. Décisions d’ajustement à propos de facteurs
extrascolaires nécessitant le recours à des personnes extérieures :
- parents → suivi scolaire …
- psychologues → troubles du comportement …
- orthophonistes → problèmes de
dyslexie, de dysgraphie …
- thérapeutes → maladies chroniques …
- …
5. Comment concevoir des activités de remédiation en fonction
du diagnostic établi ?
Une fois le diagnostic établi, à partir des erreurs de
chaque élève, mais aussi de celles de l’ensemble de la classe, l’enseignant
organise la remédiation en quatre temps.
5.1. Les grands axes de la remédiation
Tout d’abord, l’enseignant détermine les grands axes de la
remédiation, en fonction des sources d’erreurs qu’il a diagnostiquées :
• les difficultés principales à travailler, par exemple
l’emploi abusif du verbe « être »
• le choix d’une remédiation, soit collective, soit au
contraire différenciée (selon les cas ou les résultats).
5.2. Un dispositif de remédiation
Ensuite, il choisit un dispositif de remédiation.
● S’il a opté pour une remédiation
collective, il devra déterminer le niveau de la remédiation
à
apporter :
- révision (il n’y a pas d’insuffisances sérieuses, mais il
est bon de consolider les acquis) ;
- consolidation (une majorité d’élèves ont quelques
insuffisances) ;
- réapprentissage (la majorité des élèves ont de sérieuses
insuffisances).
L’enseignant pensera aussi à réguler ses procédés
d’enseignement.
● S’il a choisi de mener une remédiation
différenciée,
voici trois techniques auxquelles il peut faire appel pour obtenir un maximum d’efficacité.
Le travail par groupe de niveau
Les élèves sont répartis en petits
groupes de 3 ou 4 selon les lacunes
qu’ils présentent.
Un même travail (une fiche, …) est
donné à chacun des élèves. Ces derniers
travaillent d’abord seuls et confrontent
ensuite leurs résultats.
Le travail par tutorat
Un enfant plus fort, appelé tuteur, aide un
enfant plus faible. Ils sont assis côte à côte et
travaillent ensemble.
Il faut respecter deux règles importantes pour
un bon tutorat :
1. Les deux enfants se choisissent
mutuellement.
2. Le tuteur ne doit pas donner la réponse à
son camarade, mais il lui donne des explications
qui lui permettent de la trouver.
Le travail par contrat
Chaque élève détermine, en concertation
avec l’enseignant, une quantité de
travail à réaliser (par exemple deux fiches
d’orthographe et une fiche de grammaire)
dans un laps de temps déterminé (par
exemple une semaine).
Cette quantité de travail à remettre dans
un certain délai fait l’objet d’un contrat
signé entre l’élève et l’enseignant.
5.3. Des outils de remédiation
L’enseignant prépare ou sélectionne les outils de
remédiation appropriés :
- des fiches de travail individuel (avec ou sans corrigé) ;
- des exercices collectifs de remédiation ;
- le matériel pour un réapprentissage, etc.
5.4. Suivi et évaluation de la remédiation
L’enseignant met ensuite le dispositif de remédiation en
place, après l’évaluation.
Enfin, il lui reste à vérifier si chaque élève profite au
maximum de la remédiation et à évaluer les résultats de la remédiation.
6. Comment organiser une remédiation à partir de la
correction de copies d’élèves ?
L’organisation de la remédiation se fait à partir de
l’observation du tableau des résultats de chaque élève, pour chacun des
critères minimaux.
Exemple (suite de la situation « Grand concours d’écriture
sur l’émission de TV préférée ».
C3 (sur 3) C2
(sur 3) C1 (sur 3)
Élève 1 ♥ 3 1 2
Élève 2 ♣ 1 3 2
Élève 3 ☻ 2 2 0
Élève 4 ♥ 3 0 2
Élève 5 ☻ 2 3 0
Élève 6 ♣ 1 2 2
Élève 7 ♣ 1 3 2
Élève 8 ♥ 2 1 2
Élève 9 ☻ 3 3 1
Élève 10 ☻ 3 3 0
2,1 / 3 2,1 / 3 1,3 / 3
Que proposer comme activités de remédiation à chacun de ces
groupes ?
Au groupe ♣ : On peut proposer des activités dans lesquelles les élèves doivent
travailler le lien entre la consigne et le support (reformuler la consigne,
repérer les passages concernés dans le support, etc.)
Pour le groupe ♥ : On peut proposer des exercices de réarrangement ou des exercices
lacunaires (ajouter des mots liens entre des phrases d’un texte).
Pour le groupe ☻ : On peut voir si c’est le présent de l’indicatif ou l’accord S/V qui
pose le plus de problème et proposer des exercices supplémentaires.
CONCLUSION
Que l’on choisisse l’une ou l’autre stratégie de
remédiation, il ne faut pas confondre remédiation avec simplification des
apprentissages.
Il faut résister à la tentation de donner des choses toutes
faites aux élèves en difficulté et surtout de les faire mémoriser.
Il n’y a pas, pour les compétences de base, un autre moyen
pour les élèves en difficulté que de les amener à avoir, au même titre que les
autres élèves, une maîtrise minimale de ces compétences de base.
« Remédier, ce n’est pas emprunter des raccourcis »,
Xavier Roegiers.


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